jeudi 21 novembre 2013

L.E.A.R., d'Antoine Laubin

Vu au Varia le 15 novembre 2013

Crédit: Alice Piemme
L'histoire du King Lear a traversé les siècles et semble toujours fasciner. On l'a vue récemment traitée au Théâtre du Parc sur le thème de la vieillesse dénigrée et de l'abandon des personnes âgées par les jeunes générations. Mûrissant son projet depuis plusieurs années, Antoine Laubin a choisi de nous parler de transmission et de gratitude (ou d'ingratitude, cela dépend de l'état de votre relation avec vos père, mère ou bambins au moment d'écrire cette article). Une chose est claire pour lui dans ce classique, même remis au goût du jour, Les Enfants n'Auront Rien. Un acronyme efficace à la communication du spectacle qui se justifie par la tournure qu'ont voulu lui donner Laubin avec son comparse à l'écriture Thomas Depryck.

Crédit: Alice Piemme
La première partie de L.E.A.R. retrouve le Lear originel, dans ses deux premiers actes, l'histoire d'un vieux roi qui lors de son abdication divise son royaume entre ses trois filles. Mais la cadette déçoit son paternel en faisant preuve d'honnêteté là où ses sœurs s'aventurent dans la minauderie faux-cul. Mais le vieux souverain regrettera son manque de lucidité en découvrant que ses chouchoutes chercheront à se débarrasser de ce sujet (ou objet) encombrant avec ses 100 soudards. L'ingratitude prend parfois des allures de fausse bienveillance. Les deux auteurs font tout ici pour éviter le classicisme, en dépoussiérant le texte tout d'abord. Les niveaux de langage se confondent avec des passages n'hésitant pas à singer une conversation électronique, sans jamais tomber dans la vulgarité ou dans le jeunisme forcé. Laubin et Depryck placent la famille et sa cour dans un canapé Chesterfield géant, comme si le décor voulait ramener tous les protagonistes à une taille d'enfant. Aux côtés d'un Lear -interprété par un caverneux Philippe Grand'henry-, la jeunesse (Marie Lecomte, Julien Jaillot, Christophe Lambert, Vincent Sornaga, Pierre Verplancken) se veut presque sautillante, tout au moins dynamique, conférant peps et légèreté à leur jeu entre accoudoirs rembourrés.

Crédit: Valentine Gillard
En un habité "Cambodia" de Kim Wilde et un monologue de Lautréamont (extrait des Chants de Maldoror), ce décor cosy se disloque pour laisser la place à un plateau sombre aux éléments éclatés comme la parole qui nous est proposée dans la deuxième partie. Shakespeare laisse la place à une écriture collective, de plateau, partant de témoignages, du vécu de la bande de comédiens. L'approche de la parentalité se veut parfois problématique. On s'attarde tout particulièrement au touchant monologue de Christophe Lambert en père inquiet pour sa fillette. Marie Lecomte dévoile un extrait du journal de son père. Devenir parent n'est pas une évidence mais un chemin à parcourir. Être l'enfant de ses parents semble l'être tout autant. Laubin a bien creusé son sujet, qui le suit depuis Les langues paternelles. Il en a mâché des textes (Exley notamment) et les a donnés en pâture à un formidable collectif de comédiens. La colère laisse la place à une douce mélancolie et au regard tendre sur la filiation. Le spectacle prend alors toute sa force dans ce deuxième acte rassemblant parents et enfants dans leurs difficultés de dialoguer. 

À voir jusqu'au 24 novembre au Manège.Mons et du 26 au 30 novembre au Théâtre de Liège.

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