mercredi 10 juillet 2013

AVIGNON In 2013 - "Shéda", de Dieudonné Niangouna

Vu le 8 juillet à la Carrière de Boulbon


Crédit : Christophe Raynaud de Lage / Festival d'Avignon

Pour ma première fois au "In" d'Avignon, j'ai choisi de me rendre à la Carrière de Boulbon. À quelques kilomètres de la Cité des Papes, cet ancien lieu d'extraction accueille depuis plusieurs étés les créations présentées comme majeures, avec celles de la Cour d'honneur du Palais papal, du rendez-vous international du théâtre. 
Crédit : Christophe Raynaud de Lage / Festival d'Avignon
Une carrière de pierre désertique où est planté un dispositif minier fait de métaux rouillés et de palettes de bois, sur l'avant-scène des tenues d'ouvrier vidées de leur corps, un crocodile ligoté... Le monde dans lequel nous emmène Dieudonné Niangouna, artiste associé de la 67e édition du festival, est vidé de son sang, de son humanité. Celle qui a survécu doit tout reconstruire. Mais connaît-elle les erreurs de son passé? Après avoir écrit sur les bruits de la rue (le nom de sa compagnie par ailleurs, ndlr), l'artiste originaire du Congo-Brazzaville disserte sur la rumeur de la planète, de ces inégalités, de son néocolonialisme et d'une nature humaine profondément violente.
Se décrivant lui-même comme auteur de l'urgence, Niangouna voit Shéda comme un cri ou un monologue adressé au public. Son monde est peuplé de bêtes humaines conscientes de leur animalité mais pas de leur humanité. Autrefois puissantes, elles sont aujourd'hui perdues dans un monde où tout est à refaire, ou les conflits se règlent au poing. Planent alors les interrogations de la reconstruction. Dans la distribution internationale de 11 comédiens qui se partagent le texte écrit comme un seul jet même s'il est faussement dialogué, quelques individualités sortent du lot, mais le spectateur peine à les identifier. En prônant le tout est dans tout dans les malheurs de l'univers (ce qu'il appelle "saisir le monde en diagonale", cf. programme du spectacle), l'auteur rend son propos abscons, trop référencé et mal distribué aux différentes bouches qui le déclament. Les quelques fulgurances qui apparaissent au cours de la première partie viennent de Niangouna lui-même ou encore de Mathieu Montanier (artiste associé à L'L à Bruxelles par ailleurs), incantateur mystique courbé dans sa longue robe. Mais l'on se perd dans la démonstration volubile incarnée par des personnages indéfinis. Même ce couple séparé par l'apocalypse ne nous touche guère.
Crédit : Christophe Raynaud de Lage / Festival d'Avignon
Utilisant sobrement les différents niveaux de la carrière mais pas suffisamment ses possibilités d'éclairages, l'auteur Niangouna peine à mettre en scène un spectacle manquant cruellement de narration, même fragmentaire. Les quelques respirations musicales, chorégraphiées -danses et combats- par DeLaVallet Bidiefono, viennent à peine apaiser la tension constante. Lourdeur et lenteur, s'ajoutant à la pluie qui s'est abattue sur Boulbon, n'ont pas incité de nombreux spectateurs, y compris votre serviteur, à poursuivre les 4h30 d'un spectacle qui aurait besoin d'être resserré en gagnant structure et théâtralité.

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