vendredi 22 février 2013

Les voix des "Barbares"


Sur la scène, un cercle de poussière délimité par des charbons ardents. Il débarque, une malle à la main pour seul bagage, commence alors l’histoire. Son récit pourrait être celui de tous ces aventuriers malheureux qui tentent de traverser la Méditerranée pour un paradis qu’ils n’atteindront peut-être jamais. Un arrière-plan de photographies renvoie à cette réalité si proche et pourtant ignorée. Que laissent-ils derrière eux? Comment réagissent-ils au nouvel enfer qui les attend? «C’est une guerre avec ses morts», déclare d’entrée Hamadi, l’auteur et metteur en scène du spectacle. 

Crédit: Marwane El Boubsi

D’origine berbère, il ne fait pas figure de novice à parler dans ses spectacles des voix de l’immigration. Dans «Papa est en voyage», il nous avait conviés à un saut dans le temps pour raconter le parcours de son père au travers de cartes postales sonores et contées. Cette fois, il cède ses mots à son fils, Soufiane El Boubsi. Le texte saute une génération mais la réalité reste la même. «L’exil est toujours une rupture», annonce Hamadi. «La seule différence avec la génération précédente, c’est qu’elle était attendue. Du travail les attendait.» «Les Barbares» évoque le pourquoi et surtout le comment du voyage effectué par ces déçus du pays. Car la critique de la terre qu’ils quittent n’est en rien éludée  puisqu’elle est souvent la raison du grand départ. «Il ne s’agit pas en soi d’un théâtre politique. Nous parlons plutôt de politique par le biais d’une histoire singulière», expliquent le père et le fils. «Nous voulons ainsi humaniser la politique. Quand l’autre n’est qu’un chiffre ou une statistique, c’est plus simple à traiter que quand on connaît ce qu’il a pour bagage.» 

Crédit: Marwane El Boubsi
Le départ, la traversée de cette Méditerranée -et l’attente avant d’embarquer sur de véritables coquilles de noix- sont autant d’épreuves avant l’ultime: l’arrivée dans le pays d’«accueil» n’est pas toujours aussi idyllique qu’ils se l’imaginent. Amener le spectateur à la réflexion par l’émotion, tel est leur objectif. Des deux extraits que nous avons eu l’occasion de voir en avant-première, nous avons ressenti la rage et la volonté de raconter, d’incarner un récit. La marque de fabrique de son auteur, grand spécialiste du conte, est tout de suite perceptible. L’émotion se renforce par les images qui défilent et une mise en scène sobre qui semble traduire le dénuement de ces voyageurs forcés.

Les Barbares, de Hamadi, à voir du 28 février au 8 mars au Théâtre royal de Namur.

Article paru dans Metro le 20 janvier 2012, à l'occasion de la création duspectacle à Wolubilis.

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