jeudi 27 décembre 2012

Les Contes hérético-urbains, au Poche

Vu le 14 décembre au Poche


Crédit: Yves Kerstius
Après avoir été érotico-, héroïco- ou bobos, les contes se la jouent hérétiques au Poche. Il est question ici de ces hérésies contemporaines où les dieux sont remplacés par les enjeux personnels de l'individualisme humain. Pour cette nouvelle salve de fables modernes, le théâtre du Bois de la Cambre a convié quatre plumes connues des scènes belges.

Crédit: Yves Kerstius
Dans "Minnie 7 ou God save America", René Bizac convoque une certaine Amérique, celle qui rêve d'un monde de conte de fées et qui se délecte d'un royaume factice et dégoulinant de bons sentiments: l'empire Disney. Gwen Berrou y interprète une future Minnie qui figurera au spectacle de l'année dans le grand parc californien. Mais derrière le rose des paillettes, c'est une situation professionnelle dégradante. Le désenchantement est au rendez-vous de même qu'une "explosion" de colère.

Tout le cynisme de Thomas Gunzig est transmis par le monologue de Cathy Grosjean. Elle  incarne dans "All Inclusive" une mère odieuse donnant un coup de poing cinglant au mythe de l'enfant-roi. Perdre un enfant? À quoi bon se lamenter s'il en reste un autre?

Crédit: Yves Kerstius
Laurence Bibot continue son exploration d'icône féminine en les démolissant. Pour "Paris brûle-t-elle?", elle confie la lourde tâche à Ariane Rousseau d'annoncer au monde. L'immolation accidentelle de Paris Hilton lors de son arrivé aux Jeux d'hiv'. Fidèle à sa folie, l'auteure effleure le mythe de la star qui n'a rien fait de sa vie mais fascine quand même.

Enfin, le quatuor se clôt sur l'hommage de Riton Liebman à son père Marcel. Avec "Liebman renégat!", il rappelle combien il était difficile pour l'intellectuel renommé d'être juif de gauche et par dessous tout pro-palestinien. Ce sont les manichéismes d'un conflit qui pourrit le monde qui sont ici retournés grâce à la justesse et l'amour contenus dans ce texte. Le fils regrette son manque d'engagement. Le paradoxe d'avoir été préservé de la Shoah et de ne pas s'en intéresser, voire de ne pas y trouver un bout d'identité.

Crédit: Yves Kerstius
Face à cette mosaïque d'histoires, il est difficile de ne pas les comparer entre elles. Certes, certaines s'emparent de thèmes qui parlent plus ou ont une base beaucoup plus polémique. Mais autant le conflit israélo-palestinien et la question maternelle sont porteurs de sens, autant l'apparente superficialité des Minnie et Paris Hilton démontre à quel point nous sommes endormis par des mythes du showbiz, construits par les médias et qui apportent du rêve dans une société laïcisée en recherche de symboles. Que ceux-ci soient factices ne fait aucun doute. 
Ces quatre portraits font mouche et forment un tout dans lequel chacun peut se reconnaître. L'humour est le liant de l'ensemble. Suis-je capable de donner du rêve aux gens en sacrifiant les miens? Dois-je tout donner pour ma famille comme me le demande la société? De quelle manière les nouvelles idoles m'embrument l'esprit? Faut-il que je m'implique dans un conflit qui touche ma famille mais se déroule à des milliers de kilomètres de moi?
Des questions que chacun adaptera à sa propre existence. Le spectacle reste un moment de fêtes tant les bons mots et la maladresse des protagoniste font fuser les rires.

Les Contes hérético-urbains au Théâtre de Poche jusqu'au 29 décembre.

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