vendredi 2 novembre 2012

Antigone, de Fabrice Gardin

Vu le 24 octobre 2012 au Théâtre des Galeries

En 1944, lorsque Jean Anouilh présente son Antigone sous l'Occupation, l'auteur signe un acte de résistance, à l'image de ce qu'est son héroïne légendaire. Antigone refuse de voir la dépouille de son frère Polynice, vu comme le rebelle-traître par la Cité, manquer des derniers sacrements accordés habituellement aux fils des rois. Par son audace et son courage, elle se soustrait à l'autorité de son oncle Créon, nouveau régent de Thèbes et court offrir à son frère défunt la sépulture que son rang lui promet. La France pétainiste est à l'époque la cible de la plume d'Anouilh.

Crédit: Isabelle de Beir
Ses mots restent d'une force imparable à l'heure actuelle même lorsque cette première référence est effacée. Dans sa version qu'il propose aux Galeries, Fabrice Gardin tente de transmettre cette non-soumission à l'ordre établi. Le metteur en scène peut compter sur la présence de la jeune Wendy Piette (nominée comme Espoir féminin aux derniers Prix de la Critique) qui livre une belle prestation tout en subtilité d'Antigone. La comédienne sait jouer des dilemmes qui se  posent à son personnage tiraillée à la fois par une fidélité familiale  (et donc royale!) sans borne et par une amour fraternel qu'elle ne pourrait éluder. Cette hésitation est symbolisée par sa passion envers le jeune Hémon (Nicolas D'Oultremont), fils de Créon, à laquelle elle est promise. Malgré les conseils de sa nourrice (Louis Rocco), elle bravera l'interdit pour accomplir ce qui lui paraît juste. Antagoniste ambigu d'Antigone, Bernard Sens interprète un Créon tout en force et schizophrénie. L'acteur endosse l'habit royal de manière crédible. Cependant, un détail m'a gêné lors de la première, la montée en décibels lors de l'affrontement ultime entre Créon et Antigone gâchait quelque peu la compréhension d'un texte qui mérite plus de variations dans son intensité.

Crédit: Isabelle De Beir
On aurait cependant aimé une version à l'ancrage plus congrès dans notre époque contemporaine qui demande tellement d'actes d'opposition. L'imposant décor -rétro-futuriste-industriel dans la première partie (tuyauteries comprises), plus post-apocalyptique dans la seconde (un mur d'enceinte)- prolonge sans doute une volonté d'universalisation du thème de résistance sans une référence sensible à une situation actuelle. Un constat qui se renforce avec les interventions du chœur (Benoît Verhaert, photo). Cette réflexion est sans doute laissée aux spectateurs mais une prise de position plus forte aurait été la bienvenue. L'essence de la pièce est conservée mais de manière un peu plate donc. 

Le spectacle se laisse regarder, par l'actualité du texte d'Anouilh, mais ne fait naître qu'un embryon de réflexion un peu trop fragile.

Jusqu'au 18 novembre 2012 au théâtre des Galeries.


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