samedi 13 octobre 2012

Ghost Road, de Fabrice Murgia et Dominique Pauwels

Vu au Théâtre National le 28 septembre 2012



Fabrice Murgia aime l'Amérique. Déjà dans Dieu est un DJ, il emmenait Falk Richter sur la route 66 dans un désert humain parsemées de vieilles carcasses de bagnoles. Pour Ghost Road, le jeune metteur en scène écrit lui-même un voyage pluridisciplinaire à la rencontre de solitudes oubliées tout comme la vie dans ces villes fantômatiques états-uniennes. L'artiste en vogue a pu bénéficier de gros moyens pour cette production, créée au Théâtre National et bientôt sur les routes.

Assise devant des photos posées sur un buffet, une femme seule, à l'âge certain (Vivianne De Muynck), se souvient de cette danseuse, qui au faîte de sa carrière new-yorkaise décida d'ouvrir un cabaret au beau milieu du désert. Elle avait réussi à insuffler de la fantaisie dans cet environnement hostile qui glorifiait l'autoroute naissante. Aujourd'hui, tout le monde est parti. Ne restent que des stations-services oxydées et des champs de caravanes abandonnées aux airs de mirages, d'oasis asséchés. Seules quelques âmes tranquilles demeurent dans la fournaise. Pour qui? Pourquoi? 

Familier de la vidéo, Murgia a passé de longues semaines dans cette Vallée de la Mort à la rencontre de ces personnes et en a rapporté de belles images dans lesquelles notre personnage central enquête auprès de ces esseulés. Scène et vidéo se superposent dans ce périple où vient se mêler la musique et l'installation sonore de Dominique Pauwels (du collectif LOD spécialisé en opéra contemporain), ainsi que la voix et la présence de la chanteuse Jacqueline Van Quaille. Cette dernière agit comme un double lyrique de Vivianne De Muynck, appuyant l'émotion du récit.

La solitude apparaît ici sous différentes facettes, notamment dans l'aspect filmé. Tantôt forcée pour cette danseuse veuve entourée de ses souvenirs, tantôt choisie pour ses anciens militaires mais toujours assumée, cette "loneliness" apparaît comme l'identité d'une Amérique oubliée, figée dans ces ruines des Golden Sixties. Le message y est à la fois politique et humain. Cependant, ce qui devait sonner comme une collaboration homogène entre Murgia et Pauwels apparaît parfois comme un puzzle dont les pièces peinent à s'emboîter. Les différentes compétences mêlées (dont la belle présence de la comédienne) apparaissent comme une superposition de couches qui alourdissent l'ensemble. Fabrice Murgia confirme toutefois son talent d'excellent faiseur d'images en continuant à jouer entre la subtile frontière fiction/réalité, comme dans ses précédentes créations.

Toutes les dates de la tournée internationale de Ghost Road sur le site de la Compagnie Artara de Fabrice Murgia. Notamment au Manège.Mons du 13 au 15 novembre.


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